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Dacoromania litteraria, 9/2022

Il y a une « histoire » de l’ironie et de ses formes qui traversent la modernité : de l’ironie romantique, esthétique, réappropriée philosophiquement par les romantiques allemands et entrée dans la littérature en tant que vision du monde et pratique discursive, à l’ironie moderne, éthique, démocratisée avec l’expérience traumatique de la Grande Guerre, et jusqu’à l’ironie postmoderne, comprise soit comme mode de lecture (Paul de Man), soit comme mode de vie (Gilles Deleuze). Mais ces représentations de la distanciation ironique et leur portée historique sont rattachées à une narration occidentale. Elles visent un processus de la constitution du sujet, des phénomènes de l’émancipation individuelle ou des modalités de réaction face aux traumas collectifs, spécifiques aux sociétés de « l’ancienne Europe ». Quels problèmes sociaux, politiques, éthiques peut résoudre l’ironie comme figure de discours et comme forme de vie dans les espaces marginaux du continent ? Comment cette figure millénaire a-t-elle été engagée dans les phénomènes d’émergence des sociétés modernes à l’Est et au Centre de l’Europe ? Comment s’est-elle articulée avec les thèmes du « romantisme modéré » que ces cultures « récentes » ont connu ? Comment a-t-elle participé à l’absorption du trauma totalitaire dans les anciens états communistes, derrière le Rideau de Fer ?

Dans les littératures centrales et est-européennes, l’ironie et l’humour tendent à avoir un profil à part, fonctionnant à partir du XIXème siècle comme solutions discursives destinées à discipliner la société ou à équilibrer les décalages culturels et civilisationnels par rapport à l’Occident, pour recevoir, dans le contexte de la période totalitaire qui couvre la deuxième moitié du XXème siècle, la valeur d’une stratégie subversive, démocratisante par rapport au pouvoir politique (Melor 1979; Croitoru 2014). L’investigation attentive aux buts idéologiques et éthiques de l’ironie littéraire est, de ce point de vue, loin d’avoir épuisé ses ressources, ce qui fait que la reconsidération des pratiques de la dérision comme forme de résistance dans des conditions géopolitiques difficiles puisse encore générer un point de départ pour de nouvelles recherches interdisciplinaires. D’ailleurs, la perpétuation et l’épanouissement du discours oblique de l’ironie dans la littérature et la presse d’après la chute du communisme sont en mesure de contribuer à l’extension de la réflexion sur la relation incommode des communautés avec les réalités socio-politiques de chaque époque. Plus récemment, les interrogations critiques se développent autour du concept de post-ironie, important pour le paradigme culturel postmoderne et essentiel pour la définition de la direction apparue dans l’espace américain sous le nom de New Sincerity (Wallace 1997).

Considérant que, quelle que soit la signification attribuée au concept d’ironie, les littératures centrales et est-européennes offrent encore un espace généreux d’exploration de cette stratégie discursive, le numéro thématique de la revue Dacoromania litteraria va privilégier les démarches concernant :

• l’ironie romantique, élitiste, du XIXème siècle, dans le discours littéraire, journalistique ou dans les rituels des sociétés littéraires de l’Europe Centrale et de l’Est ;
• l’ironie moderne des littératures centrales et est-européennes, de la critique littéraire et de la vie intellectuelle du XXème siècle, en relation avec le contexte social, politique et idéologique de la période communiste ;
• les pratiques de la dérision dans la littérature et les arts, comme expression de la survie affective et morale des individus dans des conditions socio-historiques particulières ;
• l’ironie postmoderne et la post-ironie dans le contexte économique, politique et social du postcommunisme ;
• l’ironie comme matrice stylistique des œuvres/ auteurs de l’espace central et est-européen.

Votre propositions d’articles (150-200 mots) sont attendus jusqu’à 15 mai 2021. Une notification sur l’acceptation vous sera envoyée avant le 15 juin 2021. Le délai pour la finalisation des textes est fixé pour le 15 septembre 2021. Vous pouvez consulter les normes de rédaction à cette adresse : http://www.dacoromanialitteraria.inst-puscariu.ro/pdf/nr/RO.pdf.

Personnes de contact:
     Ioana Bot – ioana.bican@ubbcluj.ro
     Corina Croitoru – corina.croitoru@ubbcluj.ro

Bibliographie orientative:
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BARTHES, Roland, Critique et vérité, Seuil, Paris, 1966.
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BROOKS, Cleanth, The Well Wrought Urn, University Paperbacks Methuen, London, 1968.
COLEBROOK, Claire, Irony, Routledge, London and New York, 2004.
CROITORU, Corina, Politica ironiei în poezia românească sub comunism, Casa Cărții de Știință, Cluj-Napoca, 2014.
DANE, Joseph, The Critical Mythology of Irony, University of Georgia Press, Athens and London, 1991.
DE MAN, Paul, Aesthetic Ideology, vol. 65, University of Minnesota Press, Minneapolis, 1996.
DELEUZE, Gilles, Présentation de Sacher-Masoch, Les Éditions de Minuit, Paris, 2007.
HAMON, Philippe, L’ironie littéraire, Hachette, Paris, 1996.
HUTCHEON, Linda, Irony’s Edge, Routledge, London and New York, 1994.
JANKELEVITCH, Vladimir, L’Ironie, Flammarion, Paris, 1979.
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MELOR, Viloric, L’arme du rire, Éditions Ramsay, Paris, 1979.
MERCIER-LECA, Florence, L’ironie,  Hachette, Paris, 2003.
MINOIS, Georges, Histoire du rire et de la dérision, Éditions Fayard, Paris, 2001.
MUECKE, D. C., The Compass of Irony, Methuen, London and New York, 1980.
REIK, Theodore, The Secret Self, Farrar, Straus and Young, New York, 1953.
RONGIER, Sébastien, De l’ironie, Klincksieck, Paris, 2007.
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WALLACE, David Foster, A Supposedly Fun Thing I'll Never Do Again, Little, Brown and Company, 1997.