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Dacoromania litteraria, 8/2021

Postures littéraires et construction de l’image sociale de l’écrivain dans la culture roumaine

Parmi les nombreux efforts de résoudre la tension (fondatrice pour la sociologie littéraire) entre l’individuel et le collectif, les études posturales occupent une position importante, à travers la réunion de quelques instruments descriptifs flexibles et mobiles par leur interdisciplinarité générique. Depuis la mise en circulation par J. Meizoz (2007) du terme de posture littéraire, le postural entre avec une fonctionnalité réelle dans l’analyse du processus de médiation entre l’œuvre et l’espace socio-historique. Définit dès le début par Meizoz, en descendance du concept homonyme d’Alain Viala (1993), comme une formule qui se présente simultanément comme un discours et comme une conduite, le terme entre rapidement dans un champ conceptuel construit autour de la même attention à l’(auto)représentation auctorielle, dans et en dehors du texte produit par l’auteur : ethos (Ruth Amossy), scénographie auctorielle (José-Luis Diaz),figuration de l’auteur ou style auctoriel. Réunissant des définitions et des pratiques qui se revendiquent en une certaine mesure de l’analyse textuelle (dans la dimension discursive et des dispositifs stylistiques)et de celle actionnelle (l’analyse des représentations sociales collectives), la lecture posturale a comme principale mise l’articulation, permissive et fertile, de l’ordre discursive avec l’ordre comportementale.

Le même intérêt se trouve au centre du dossier thématique proposé par ce numéro de la revue „Dacoromanialitteraria”. Le dossier met en lumière le caractère pluriel et relationnel des constructions posturales. Parce qu’une posture n’est jamais ni singulière, ni immuable : tout en gardant son caractère de trajet construit individuellement, elle met à jour des représentations (intratextuelles) et des identités publiques (comportementales) prises des répertoires posturales déjà présentes dans la mémoire de l’espace littéraire dans lequel existe et agit l’écrivain.

C’est pourquoi nous proposons deux axes de réflexion :

1.     Postures d’auteur, prises de diverses périodes historiques. Ce qui nous intéresse c’est une réflexion sur les actes énonciatives et institutionnels par lesquels une voix et une figure d’auteur se situent et se font reconnaître dans le champ littéraire, tout en mobilisant le réservoir culturel de positions et de représentations sociales disponibles :

a) représentations posturales dans les textes non-fictionnels (mise en scène de l’auteur dans des paratextes, correspondance, interviews, etc.), mais aussi dans la fiction (figures des écrivains/créateurs qui apparaissent dans les textes littéraires).Depuis l’écrivain-prophète du romantisme jusqu’à l’écrivain contemporain engagé (qui choisit de dénoncer à l’intérieur de sa formule littéraire les contraintes politiques, économiques, de genre, etc.), depuis la figuration de certains comportements individualisés(le bohème et le dandy, mais aussi le marginal, l’écrivain-vagabond, le nomade, l’incarcéré, l’(auto)exclu) jusqu’à l’incorporation des traumatismes personnels dans les représentations récentes de l’auteur, les constructions de soi de l’écrivain s’articulent de manière diverse, dans un dialogue permanent entre les mises en discours et les conduites ;

b) stratégies littéraires associées aux diverses positions occupées dans le champ, avantageuses/ désavantageuses, propres/ impropres (écrivain marginal, écrivain central, les cas de passage d’une position à l’autre, ci-incluses les situations où apparaissent des modifications radicales des scénarios d’auteur justifiés par les changements du contexte politique, comme l’est, par exemple, dans l’espace culturel roumain, le passage de l’avant-garde vers le réalisme socialiste) : poses, coquetterie, artifices conscients, actes promotionnels, adaptation posturale de l’écrivain roumain à la reconnaissance et à la consécration.

c) postures collectives – et, associées à ces postures, des scénographies de groupe : la définition de certains schémas „corégraphiques” collectifs, observables dans leur proxémie, dans les comportements gestuels répétitifs du groupe, dans les ritualisations de certains moments-clé des séances de lecture (début de la rencontre, organisation de la lecture à haute voix, manière de concevoir les discussions), mais aussi dans les diverses manières de représentation intratextuelle des membres et des amphitryons. En partant de tels éléments, il devient possible de construire tout un répertoire de postures fréquentées (le tragicien chez Sburătorul, le rockstar chez Cenaclul de Luni, le bouffon chezJunimea, le randonneur chez Viața românească, le noctambule chez Cercul literar de la Sibiu, pour nous limiter seulement à quelques exemples familiers du paysage littéraire roumain) et de se prononcer sur la fonctionnalité de celles-ci dans la construction des trajets de légitimation et de consécration individuelle et collective.

2.     Ce que nous nous proposons également c’est de réaliser une focalisation sur la signification de la posture de l’écrivain dans la littérature roumaine contemporaine. Après le changement du régime politique roumain en 1989, dans les conditions d’une revalorisation du rôle et de la mission de l’intellectuel dans l’Europe Centrale et de l’Est dans les anciens pays du bloc communiste, la figure de l’écrivain dispose d’une nouvelle visibilité. Les auteurs qui sont simultanément des hommes politiques, représentants de la société civile ou chefs des mouvements sociaux entrent dans la conscience publique, et se voient obligés du coup à se fabriquer et à se contrôler l’image sociale. La complexité médiatique de ces derniers 30 ans y a également contribué, car les divers médias ont mis à la disposition des écrivains les instruments d’une nouvelle économie de l’image : entretiens, émissions de télévision et radio, enregistrements sur youtube, pages de blogs, etc..Depuis l’écrivain engagé jusqu’à l’écrivain star ou l’écrivain-cuisinier, on essaie d’esquisser la gamme des représentations sociales qui sont devenues possibles pour la posture de l’auteur dans le contexte élargi par les dislocations politiques et culturelles de l’espace central et est-européen actuel.

Votre propositions d’articles (150-200 mots) sont attendus jusqu’à 15 novembre 2020. Une notification sur l’acceptation vous sera envoyée avant le 15 décembre 2020. Le délai pour la finalisation des textes est fixé pour le 15 mars 2021. Vous pouvez consulter les normes de rédaction à cette adresse : http://www.dacoromanialitteraria.inst-puscariu.ro/pdf/nr/RO.pdf.

Personnes de contact:
     Magda Răduță – magda.raduta@gmail.com
     Ligia Tudurachi – ligia.tudurachi@gmail.com