1 | 2014
La nouvelle critique biographique en Roumanie: politiques et modèles
The new biographical criticism in Romania: politics and models

Edited by Antonio Patraş, Adrian Tudurachi

ISSN 2360 – 5189
ISSN–L 2360 – 5189
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Sans doute, y a-t-il un contexte favorable pour l'expression d'un intérêt pour la « vie », immédiatement après la chute du régime totalitaire. On a assisté ainsi, après 1989, à une décennie de récupération de la mémoire entravée par le communisme : publication des journaux de détention, redécouverte des vies et des personnalités (auteurs interdits ou défigurés par la propagande, diaspora et émigrants), dévoilement des pratiques de la censure, ouverture des archives des institutions oppressives. Et pourtant, la critique biographique n'est pas vraiment une réalité des années '90, mais plutôt une découverte des derniers dix ans. Plus que les biographies affectées par le communisme, elle fréquente les écrivains classiques, Eminescu, Cioran, Caragiale. Et il n'est pas rare de voir une biographie annoncer ou même revendiquer un travail de relecture et de réinterprétation. En fait, l'essor de la critique biographique est moins lié à l'âge de la mémoire inauguré après 1989, qu'à un autre « âge » – de remise en question des limites de la réflexion littéraire. Acquisition relativement récente en Roumanie, l'inquiétude par rapport à ce qu'on aperçoit comme manque d'efficacité des études littéraires (et où s'articulent confusément la dénonciation des approches formelles, de l'ordre univoque des valeurs, ou des critères « esthétiques »), s'est manifestée surtout après 2005 dans de nombreux débats menés dans la presse culturelle. Les études biographiques ont fait spontanément écho à ces préoccupations et ont participé au questionnement des moyens et des enjeux des études littéraires. À travers la technique biographique, Dan C. Mihăilescu s'est proposé « un retour à la nature originaire du texte », capable de s'affranchir de l'épaisseur des commentaires. Mais même l'intérêt montré à la vie d'écrivain est apparu comme une modalité de justifier la réflexion littéraire dans son rapport au réel et à la société : une politique en somme, vouée à opérer par la biographie un changement dans le monde des lettres. Peut-être a-t-on investi le biographisme plus qu'il ne valait pas ; il ne reste pas moins un vaste champ d'interrogations, de circulation des méthodes et des concepts, d'inquiétude épistémologique et d'enthousiasme.



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